Images d'illustration-
1- Louis IX, en partance pour la guerre en Égypte;
2- Quelques figures du panthéon vodou.
Je voudrais, d’entrée de jeu, questionner l´approche hagiographique, à Radio Caraïbes, de mon ami Dauphin, dans l´émission “ Intersection “, dirigée par Jean Monard Métellus, pour savoir s´il n´est pas venu le temps de reconsidérer les iconographies religieuses coloniales, dans une perspective d’authenticité culturelle, en tenant compte de la substance même des religions, quelles qu´elles soient Ɂ Dans un précédent article, j’avais dénoncé le caractère folklorique de l’occident chrétien, en particulier le catholicisme, qui porte robe et voile, culturellement orientaux, et qui s´en prend à la représentation vestimentaire islamique, non socialement admise, parce qu´appartenant à l´intégrisme et rappelant trop le “ terrorisme “. Seuls les vêtements liturgiques catholiques, pourtant de souche orientale, restent et demeurent signes de “ sainteté.
L´hagiographie, c´est cette branche de l´histoire religieuse qui traite de la vie et du culte des saints ; biographie, la plupart du temps, excessivement embellie, aux XIIe et XIIIe siècles, pour asseoir une idéologie dominante et pour consacrer le droit d’invasion et de massacre au nom du Christ. La conquête latine de Constantinople, en 1204, permit à l´Occident de se munir de reliques, de textes sacrés, d´icônes noires, qui seront blanchies pour les besoins de la cause, et beaucoup d´autres trésors. Ainsi naquirent les termes odieux, tels queː “saints guerriers“ ; “idéologie du glaive“ ; “exordium obligatoire“ ; “légende dorée“, et bien d’autres monstruosités du genre.
La grande majorité des saints dits “guerriers“, ont été béatifiés, puis canonisés, pour avoir croisé le fer avec ceux qui défendaient leur territoire et leur culture. Ceux qui sont retournés victorieux, avec les mains maculées de sang et chargés d’objets volés, ont été reçus en triomphateurs et élevés à la “dignité sainte“. Ceux tués sur le champ de bataille, furent consacrés “les martyrs pour l’Église“. Quant à Saint-Louis, roi de France, vaincu en Égypte, fait prisonnier, puis libéré par des “saints hommes“, à l´issue de la bataille de Fariskur, est celui à qui sont dédiées au moins trois églises en Haïtiː à Port-au-Prince, à Mirebalais et à Jérémie. Ce fut ce “roi guerrier“ qui, de concert avec l´Église, organisa des croisades pour éliminer les croyances non catholiques, en passant au fil de l´épée les contrevenants, ou en les brûlant vifs, selon la méthode classique de l´Inquisition. Ce fameux Louis IX, devenu saint, marié par sa mère, Blanche de Castille, à Marguerite de Provence, lui donna onze enfants, alors que les prêtres qui le servent “religieusement“, sont condamnés au célibat. Quelle incohérence, pour ne pas dire inconvenance ǃ
Ils furent nombreux ces “saints guerriers“, qui nous sont imposés par l´Occident chrétien, depuis la colonie de Saint-Domingue. Ils faisaient “nécessairement“ partie de notre marronnage idéologique, mais ils doivent être extirpés aujourd’hui de l’iconographie vodou, par nécessité de libération mentale et d´autonomie religieuse. Ils ont pour nomsː St-Jacques de Compostelle, représenté à cheval et épée en main, en souvenir de la bataille de Clavijo ; St-Jacques le Matamoros, pour les batailles d´Antioche, de Kulikovo, puis contre les Suédois et les Teutoniques. D´autres personnalités guerrières blanches, proches de l´Inquisition, et vénérées dans le vodou, ont pour nomsː saint Patrick, saint Grégoire, saint Nicholas, saint Georges, et j´en passe, tous de “l’idéologie du glaive“ contre les “hérétiques“, que l´Église reconnaissait dans le vodou, en 1942, lors de la campagne antisuperstitieuse menée de front avec le gouvernement haïtien d´alors.
Je souhaiterais que mon ami Dauphin, de Radio Caraïbes, avec qui j´ai une pratique de franche discussion sur nos attaches traditionnelles haïtiennes communes, me rejoigne sur ce terrain où je propose essentiellement les vèvès comme les seules figurations spirituelles du vodou, à l´exclusion de ces images blanches, en nette contradiction avec notre idéologie religieuse nationale. La seule image récupérable, à mon sens, est celle, non blanchie, de la Zcestochowa, apportée par ces Polonais, qui furent faits Haïtiens par l’empereur Jean-Jacques Dessalines. Cette image, d’origine étrangère, devenue Erzulie Dantor, en terre haïtienne, par sa couleur et son symbolisme, est la seule qui nous ressemble vraiment. La Blanche, dite Grann Brijit, d’origine irlandaise, appartient à un courant du vodou qui “universalise“ le rapport entre la vie et la mort, dans une continuité indissociable. Cette image a une toute autre référence que celle imposée par l´esclavagisme, car elle émane du drame existentiel que vivaient des émigrés anglo-saxons, accourus dans la Caraïbe, pour échapper à la famine qui les vouait à une mort certaine. Ils se fiaient à leur déesse Brigit qui, dans leur croyance, détenait la clef de la vie. Fondu dans les pratiques religieuses taïno-africaines, ce culte d´essence purement celtique, qu´on identifie dans l´Halloween, fait partie intégrante du vodou haïtien. Le fait pour les guédés d’imbiber leur visage de farine blanche évoquerait la couleur de cet Esprit d’origine étrangère.
En un mot, ma démarche consiste à prôner la désaliénation du vodou par rapport à une iconographie qui le garde enchainé mentalement à un passé pourtant révolu. Le débat est ouvert, et toute approche contraire sera la bienvenue, car nous sommes à un carrefour où il faut des confrontations d´idées pour sortir de ce chaos dans lequel nous nous enlisons de plus en plus.
Méres Weche
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